Nous sommes le vendredi 1er février 2013. Depuis deux semaines, je prévois une petite session de 48h sur le Rhône, avec mon pote Hugues. Malheureusement, la nature nous joue des tours. Cela fait plusieurs jours qu’il pleut dans le nord, faisant gonfler la Saône, continuant son petit bout de chemin par le Rhône. Ce vendredi matin, je jette un dernier coup d’œil sur le site de la CNR (Compagnie Nationale du Rhône), pour suivre l’évolution du niveau des eaux. J’ai le moral dans les chaussettes, le débit a encore pris 400m3 dans la nuit, les barrages hydroélectriques ont ouvert leurs vannes. Il ne reste plus qu’à trouver un nouveau point de chute, sur un plan d’eau de la région. Je passe un coup de téléphone à Hugues, pour déterminer notre nouvelle destination. Nous nous entendons sur un petit plan d’eau de quelques hectares, non loin de chez nous. Les conditions climatiques ne vont pas être faciles à vivre. Le vent du nord est annoncé à plus de 100km/h, faisant chuter les températures de plus de 5°C. Hugues arrive sur place en milieu d’après-midi, puis je le rejoins vers 17h30. Nous nous installons sur le côté sud du plan d’eau, derrière une grosse digue qui nous protégera des futures rafales de vent. Il ne fait vraiment pas très froid pour un début de mois de février. Le thermomètre de mon échosondeur affiche 10°C, puis je suis surpris de voir que l’eau du lac est à la même température. Le poisson devrait être plus ou moins encore actif. En cette soirée, il faut dire que le vent du sud réchauffe l’atmosphère. Hugues a positionné sa batterie de cannes sur le côté droit. Il s’apprête à lancer ses quatre lignes à la bouillette, munies d’un filet soluble en tête chercheuse. Il n’y a pas d’eau sur les quarante premiers mètres, puis une cassure en pente douce plonge sous 2m de fond, jusqu’à la berge d’en face. La technique est de pêcher entre 40 et 80m du bord, pour stopper les poissons navigants dans ce petit chenal. Je procède de la même manière en bloquant cette passe à poissons. A l’aide de ma barque, je dépose une ligne à 40m, en bas de la première cassure, une seconde dans le milieu du chenal, puis les deux autres sous les arbres surplombants la berge d’en face. De mon côté, les fonds n’excèdent pas les 1.60m et sont très vaseux. J’opte pour quatre montages eschés en bonhomme de neige, munis d’une chaussette soluble de bouillettes et de pellets en 7mm. Le tout est arrosé avec parcimonie d’une petite poignée de ce mélange. Je dépose les quatre montages avec délicatesse, afin de ne pas trop envaser les bas de lignes. Les esches sont toutes équilibrées, mais mieux vaut être assidu pour cette manipulation. Pour une meilleure présentation et éviter le passage des ragondins dans les lignes, je coule les bannières à l’aide de mes back-leads. C’est vers 20h que mon détecteur de droite nous fait sursauter. La Led verte clignote, m’indiquant une touche retour. Je prends contact et ramène très vite ma première brème de l’année. Je la relâche et retends aussitôt la ligne dans le milieu du chenal. Après une bonne semaine de travail, vers 23h, nous regagnons respectivement nos duvets. Dans le milieu de la nuit, j’entends l’un des détecteurs de mon très cher voisin. A son tour, il extirpe une brème de l’eau. Le reste de la nuit est très calme. Nous sommes réveillés au petit matin, par Denis avec les croissants à la main. Il souhaitait pêcher le Rhône avec Guillaume et Xavier. Ils sont contraints de faire comme nous, se lancer à la recherche d’un plan d’eau. Malheureusement, tout est plein aux alentours. Nous leur proposons de se joindre à nous. Il est près de midi, Denis déballe tout un assortiment de charcuterie avec un bon pain de campagne, arrosé d’un petit vin blanc. Rien de mieux pour motiver les troupes. Xavier s’installe au nord du plan d’eau, puis Denis et Guillaume, côté sud en ne mettant que deux cannes chacun. Depuis 7h du matin, le vent du nord redouble d’intensité, en faisant chuter les températures. Je crains que cela ne soit pas très bon pour l’appétit de nos dames carpes. Denis était chargé de me livrer des noix tigrées et du chènevis, achetés à bas prix près de chez lui. Ni une, ni deux, je fais cuire une petite casserole de noix tigrées pour la dernière nuit. Je retends toutes mes lignes vers 12h, en eschant deux montages à la graine. L’après-midi se déroule tranquillement, sans la moindre touche. Vers 19h, Xavier engage un sprint vers ses cannes, la centrale de touche siffle à plusieurs reprises. Il sort une petite miroir de 5kg. A peine une heure plus tard, c’est ma deuxième canne de droite qui démarre. Je sors à mon tour une miroir de 5kg, trompée par mon bonhomme de neige. Malheureusement, avec l’intensité du vent, je ne prends pas le risque de reposer la ligne. Les rafales sont très violentes, heureusement que la digue nous protège. Vers 23h, Xavier met une nouvelle petite miroir sur le tapis de réception. Nous nous couchons à la suite de cette action. Vers 3h du matin, je perçois un sifflement de détecteur, à travers le bruit infernal du vent dans les arbres. Je sors du duvet et me jette sur la canne de droite qui déroule à grande vitesse. La noix tigrée va peut-être payer ! Lors du ferrage, je comprends que je n’ai pas affaire à un petit poisson. La bobine fait encore plusieurs tours avant de pouvoir reprendre du fil à ce bolide aquatique. Le plus compliqué est de faire passer le poisson au-dessus de la cassure présente à 40m. Le combat est encore plus intense près de l’épuisette, dans moins de 40cm d’eau. Le poisson doit être de belle taille, car il a du mal à se tenir droit. Les rushs sont suivis de gros éclaboussements à la surface de l’eau. Après quelques derniers coups de tête, je parviens à hisser le spécimen dans les filets. C’est une très belle miroir d’hiver que je dépose dans mon tapis de réception. J’accroche le crochet de mon peson au sac de peser et tends les bras au ciel, telle une révérence. Les digits se figent sur 16.5kg. J’avais fini l’année avec une commune de 19.1kg et suis vraiment heureux de recommencer l’année avec une nouvelle belle prise. Je glisse ce poisson au sac de conservation pour pouvoir l’immortaliser avec mes potes. Je passe le reste de la nuit à chercher le sommeil. Je suis partagé entre l’excitation de cette prise et l’énervement du bruit incessant de ce maudit vent. Au petit matin, je retrouve mes collègues pour connaître les différentes informations de la nuit. Xavier a refait une petite miroir, portant sa pêche à 3 poissons et Hugues a sorti une nouvelle brème, puis un éventuel sac plastique. La nuit n’a pas été fructueuse pour Guillaume et Denis, qui n’enregistrent aucune touche. Vers 10h, nous profitons du soleil pour sortir et photographier le trésor de ma nuit. Nous sommes ébahis devant les couleurs de cette carpe. Elle est d’une dorure magistrale, tels les feuillages d’automne. Il n’y a vraiment que l’hiver qui apporte cette magie. Je plie bagage vers 12h, pour me remémorer cette belle session au coin du feu. |